20 Juil Pouvoir magique de la berceuse
Les berceuses sont des baumes magiques pour votre enfant. Au son de vos paroles, bébé se calme, se détend et s’endort. Ce n’est pas facile d’être un bébé, il faut tout apprendre, tout apprivoiser, on ne peut que pleurer pour s’exprimer. Quel réconfort d’être bercé par des bras aimants, d’entendre une tendre mélodie chanté avec amour.
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Les bébés nous feraient-ils chanter ?
Il est bien possible que oui. De tout temps, et sous tous les horizons, les humains ont fredonné des airs aux tout-petits pour les apaiser, les aider à s’endormir. De même que partout on chante pour rythmer une activité physique, un travail. Il y a des capacités musicales innées chez la moyenne des gens, bien qu’ils n’aient pas reçu de formation spécifique. Les travaux de la chercheuse canadienne Sandra Trehub et de son équipe sur les perceptions musicales précoces ont montré qu’un enfant de 9 mois perçoit une note désaccordée dans une séquence musicale répétitive. Il y a chez les enfants une précocité remarquable dans la perception du contenu émotionnel de la musique : très jeunes ils sont sensibles à la joie, la tristesse ou la colère qu’expriment des musiques de leur culture. Cela n’est pas sans rapport avec leur perception de la voix humaine : si on prononce un texte devant un bébé avec un affect positif dans la voix, il sera également dans une humeur « positive ». Il est également plus sensible à une voix qui lui parle dans une langue étrangère mais en « motherese », c’est à dire avec un ton adapté au bébé, qu’à une voix dans sa langue maternelle mais parlant comme à un adulte.
Aussi les berceuses adoptent-elles, à l’intérieur d’une culture, des patrons musicaux constants et caractéristiques, à la façon des intonations particulières que l’on prend pour s’adresser aux bébés. En Occident, il s’agit du fredonnement, des répétitions de syllabe, des diminutions de mots, des onomatopées et des syllabes sans significations. On constate que le rythme des berceuses est souvent proche de la pulsation cardiaque.
On a remarqué également que nous ne chantons pas de la même manière pour nous (sous la douche, en écoutant notre CD préféré, etc) et pour les enfants : avec eux nous avons naturellement un débit plus lent, une voix plus aigue, et nous y mettons plus d’émotion ! En outre, si chacun d’entre nous à sa version très personnelle d’Au Clair de la Lune ou d’A la Claire Fontaine, nous avons une étonnante capacité à la chanter toujours de la même façon, extrêmement ritualisée, à nos chers petits. C’est ainsi sans doute que se transmet un patrimoine folklorique familial, avec ses particularités (« ah bon vous dites titi carabi toto carabo ?? chez moi c’est carabi titi carabi toto carabo »), et ses couacs.
Les berceuses bercent les petits et les grands
On a trouvé, dans des berceuses babyloniennes et assyriennes du 1er millénaire av J-C, des paroles disant que les pleurs du bébé dérangent l’ordre divin. « Je suis tout à fait d’accord avec ces Babyloniens, ou ces Assyriens », pensez-vous. Certes, mais ces antiques parents, ou ces antiques nourrices, n’avaient vraisemblablement pas trouvé mieux, pour remettre de l’ordre dans le plan divin, que de chanter des chansons aux petits fauteurs de trouble ! Dans toute berceuse il s’agit donc bien d’apaiser les pleurs et d’inviter le sommeil à venir, exactement comme s’il s’agissait d’une incantation magique grâce à laquelle, nous, les adultes, nous nous auto-persuadons de notre pouvoir sur le calme et le sommeil de l’enfant. Et cela agit sur nos propres tensions, qui s’allègent, ce qui a pour effet de tranquilliser les bébés. La berceuse est en quelque sorte un chant de travail, cette soupape rythmique qui accompagne les tâches physiques. S’occuper d’un bébé est l’une des occupations les plus absorbantes qu’il soit, le faire en chantant de temps en temps est un bénéfice total pour les deux concernés – un bébé joyeux, un adulte détendu !
Chanter peut nous aider à nous plaindre de nos travaux d’Hercule et des exigences infinies des bébés, tout en restant relativement de bonne humeur, comme dans cette berceuse du Vénézuela : « Dors, mon enfant, car j’ai à faire /Laver les langes, te donner à manger./ Dors, mon enfant, car j’ai à faire / Laver les langes et te donner à boire / Cet enfant veut que ce soit moi qui l’endorme, / Que l’endorme la mère qui l’a porté / Cet enfant veut que ce soit moi qui l’endorme,/ Que l’endorme la mère qui l’a porté »
Les paroles des berceuses disent bien l’ambivalence des adultes à l’égard de l’enfant dont les cris où la difficulté à dormir nous tapent sur les nerfs : tantôt elles évoquent la douceur et la paix d’un monde qui s’endort avec l’enfant, tantôt elles le menacent de choses terribles. « Dodo, dododo, dodo, ne te couche pas au bord du lit/ Sinon un grand loup gris viendra/ Et il te mordra » ; « Si l’enfant s’éveille/ Coupez-lui l’oreille/ S’il ne se réveille pas / Il aura du chocolat »…
Les formules magiques de la prime enfance
Les berceuses, comme les comptines (d’abord jouées avec des gestes puis chantées par les petits eux-mêmes), forment le premier langage proprement poétique de l’enfance : c’est tout un réservoir de mots, de syllabes et de consonances intimement lié à des émotions, des joies, des moments privilégiés… Des mots auxquels ne sont associés aucune signification précise, aucun objet : c’est tout à fait le contraire des mots que nous répétons sans cesse aux bébés pour qu’ils assimilent le langage. Grâce aux chansons, et même lorsqu’ils n’en comprennent pas encore les paroles, les petits apprennent que le langage ne désigne pas seulement les objets qui l’entourent, qu’il a une dimension poétique, insaisissable, absurde, fantasmatique… Qu’on y rencontre des souris vertes, des claires fontaines, des limaçons dans des carafons, des gentils coquelicots… Et parmi ces mots qui ne font pas encore sens, ou que les enfants comprennent à leur façon, certains se gravent dans la mémoire. Et, bien des années plus tard, une mélodie ou un bout de phrase font ressurgir pour nous des émotions oubliées, des souvenirs parmi les plus anciens, tout un univers enclos dans une formule quasi-magique.
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